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ADN du chat : les enjeux - II

Elisabeth Morcel, Kreiz ar Mor Maine Coons, pour CoonCept, 02.2024

II - ADN, laboratoires, vétérinaires et éleveurs

1 - Caractéristiques principales des maladies génétiques

Le phénotype d'un chat est une combinaison de la présence de maladies, de caractères visibles et de caractéristiques morphologiques définissant le « type ». Les caractéristiques du phénotype peuvent donc être souhaitables ou indésirables. Le phénotype peut être le résultat d'un seul gène, de l'interaction de plusieurs gènes, de l'accumulation d'expositions environnementales ou d'une combinaison d'interactions. Si le phénotype d'un chat malade est connu pour être génétique, le vétérinaire choisit entre divers types de thérapie, de gestion clinique ou fait faire différents diagnostics. Si la même affection se retrouve chez d'autres espèces, le vétérinaire peut essayer de nouvelles approches en matière de soins de santé en envisageant la médecine comparative. Les caractéristiques communes aux maladies génétiques aident à déchiffrer les occurrences sporadiques et idiopathiques de maladies héréditaires.

Les 6 caractéristiques communes des maladies héréditaires sont :

  • l'âge précoce d'apparition ;
  • la présentation bilatérale et/ou multiple ;
  • la présence dans une population restreinte ou peu nombreuse ;
  • les indications de consanguinité ;
  • l'uniformité d'expression ;
  • l'âge parental avancé à la naissance.

Chez le chat, sur ces 6 caractéristiques, seul l'âge avancé des parents à la naissance n'a pas d'influence prouvée sur les maladies héréditaires. Cela dit, chez l'homme, les mères plus âgées ont plus de risque d'avoir des enfants atteints de trisomie et le nanisme est associé à un âge paternel avancé.

Groupe persan

Le groupe du Persan : (a) Scottish Fold, (b) Persan et (c) Selkirk Rex. Le Scottish Fold et le Selkirk Rex sont issus de chats de populations aléatoires qui présentaient de nouveaux variants d'oreilles et de fourrure. Ces variants ont été fixés par croisement avec des Persans pour obtenir la structure du corps et la morphologie de la face et de la tête. Le Selkirk Rex et le Scottish Fold présentent donc un risque de polykystose rénale dû à cette hérédité. Ces chats ont le même variant poil long que le Persan et ont de nombreuses couleurs dues à des variants. Le Scottish Fold sur la photo est red tabby et blanc, le Persan est crème highwhite et le Selkirk Rex black smoke.

La polykystose rénale (PKD) est, comme le lymphosarcome, un exemple de maladie qui se présente sous forme sporadique et sous forme héréditaire. Chacune des caractéristiques qui définissent les maladies génétiques peut aider à identifier la PKD chez un chat présentant des kystes rénaux sporadiques. Les kystes rénaux peuvent survenir chez n'importe quel chat, mais toutes les manifestations kystiques n'indiquent pas une PKD. La PKD peut parfois être détectée dès l'âge de 6 à 8 semaines par échographie, et toujours dès l'âge de 10 mois. Normalement, les 2 reins sont affectés et de multiples kystes sont généralement présents. Les kystes n'ont pas la même taille, mais leur étiologie est similaire. La PKD est endémique chez le Persan et on doit donc considérer qu'elle est présente chez les races apparentées, comme l'Exotic shorthair et le British. Étrangement, ce problème génétique est très fréquent chez l'une des races de chats les plus anciennes et les plus nombreuses, donc pas une petite population ou une population fermée, mais l'apparition précoce, l'expression bilatérale et la prévalence élevée dans une race définissent clairement cette maladie comme héréditaire. Un chat plus âgé, issu de populations aléatoires, avec un kyste rénal à un seul rein ne serait pas un candidat pour la PKD et le test ADN.

2 - Ce que l'on teste

a) Caractères à déterminisme génétique simple

Des influences génétiques (héréditaires) et non génétiques (environnementales) peuvent agir sur le phénotype d'un chat et sa santé. Les maladies et les caractères dont les mutations sont connues, qui sont clairement héréditaires et génétiques, sont généralement dits à déterminisme génétique simple, car leur expression est principalement contrôlée par une seule mutation spécifique dans un gène précis.

Comme il s'agit de caractères « simples », la plupart des mutations initialement découvertes chez n'importe quelle espèce sont dues à des caractères clairement génétiques, à fréquence élevée dans des populations spécifiques. On a identifié les premières mutations chez le chat parce qu'elles impliquent des phénotypes bien définis et des gènes connus, dont les mutations sont les mêmes que chez l'homme. La plupart des maladies, des couleurs et des types de pelage courants ont été déchiffrés chez le chat en suivant la même approche génétique : en trouvant un caractère répliqué chez une autre espèce et en vérifiant si le même gène a des mutations causatives. À ce jour, hormis la mutation de la dystrophie musculaire 1, toutes les mutations identifiées chez le chat sont autosomiques.

Poil long

Le poil long chez le Chat domestique
De nombreux chats ont le poil long, mais il existe plusieurs variants causatifs localisés dans le gène facteur de croissance des fibroblastes 5 (FGF5). Les Ragdolls (a) ont un variant probablement apparu aux USA, les Persans (b) ont l'ancien variant venant du Proche-Orient commun à la plupart des races à poil long, les Norvégiens (c) ont un variant commun aux chats de races nordiques et les Maine Coons (d) peuvent avoir un 4e variant, sans doute aussi apparu aux USA.

Le poil long et la couleur

Le poil long est courant chez les chats de race et les chats de populations aléatoires mais 4 mutations différentes peuvent le causer chez le chat. Une des mutations est commune à la plupart des races et des populations, ce qui suggère qu'elle est la plus ancienne, les autres sont plus spécifiques à des races précises. Donc, pour déterminer avec précision si un chat porte une mutation causative de poil long, il faut génotyper les 4 mutations.

L'interaction de divers gènes de couleur de robe complique souvent la détermination de la véritable couleur de robe des chats, d'où la nécessitéde recourir aux tests ADN.

Hormis pour les couleurs de robe et le poil long, la plupart des tests de dépistage chez le chat sont spécifiques à des races et des populations. La plupart des maladies sont identifiées chez des races qui représentent un faible pourcentage de la population féline mondiale.

Interactions avec d'autres facteurs

Des composants non génétiques, comme des toxines, des infections, des infestations, des dommages sporadiques et des modifications de l'ADN, et des influences environnementales, comme l'alimentation, l'exercice et l'environnement social, peuvent produire un phénotype qui ressemble à un caractère héréditaire ou à une maladie, ce qu'on appelle une phénocopie.

L'examen approfondi d'un chat présentant un souffle cardiaque peut révéler différentes causes d'apparition d'une maladie cardiaque, l'une pouvant être génétique, l'autre induite par l'environnement. P. ex., une insuffisance en taurine dans l'alimentation peut causer une cardiomyopathie dilatée.

Certaines maladies s'expriment différemment selon les tissus : c'est ce que l'on nomme les effets pléiotropiques d'un même gène. Par exemple, les chats entièrement blancs peuvent être simplement blancs, avoir des yeux bleus ou des yeux vairons, mais certains peuvent aussi être sourds. Les tests génétiques aident le clinicien à discriminer entre des causes courantes et environnementales des expressions cliniques et un état dû à une anomalie héréditaire de l'ADN du chat.

b) Facteurs de risque génétiques et caractères complexes

Presque toutes les races sont touchées par au moins un problème génétique très fréquent : on ne peut donc pas réellement considérer qu'une race a une meilleure santé qu'une autre. On trouve aussi des gènes nocifs chez les chats de populations aléatoires, mais leur faible consanguinité limite l'incidence des pathologies génétiques. Il existe aussi des maladies récessives ou dominantes qui ne causent pas de manifestations cliniques précoces : les éleveurs peuvent alors être totalement ignorants de la propagation d'un gène délétère.

Caractères complexes
Groupe Persan : la face
Groupe Persan : la face

Certaines races peuvent avoir des problèmes de santé, génétiques ou non génétiques, à cause de leur conformation physique ou du « type » souhaité pour la race. Chez le Persan, le raccourcissement des structures crâniennes et des canaux lacrymaux-nasaux cause des yeux qui pleurent, des problèmes respiratoires, des crânes asymétriques et une mauvaise occlusion de la mâchoire. On constate aussi que la structure fine et élégante des Abyssins et des Siamois les rend plus sujets à la luxation patellaire. Chez le Maine Coon, la plus grande race de chat domestique, on étudie la dysplasie de la hanche, un problème très courant chez les grandes races de chiens. Ces problèmes complexes ont probablement une composante génétique, mais il est difficile de déterminer le nombre et l'effet des gènes impliqués. En l'état actuel des connaissances, pour ces problèmes complexes, des recommandations pour de meilleures pratiques de sélection sont donc être bien plus utiles que les tests génétiques.

Pénétrance incomplète

Jusqu'à présent, la plupart des tests génétiques chez le chat ont porté sur des caractères à pénétrance presque complète, à expression peu variable et à apparition précoce. En effet, toutes les mutations qui influencent une maladie peuvent ne pas être identifiées à un moment donné mais, en général, les mutations qui influencent le plus une affection ont la plus grande héritabilité et sont donc les premières à être identifiées. Des mutations multiples peuvent agir de façon cumulative pour causer une maladie. On peut donc dire que chaque mutation confère un « risque » de développement de la maladie et que certaines mutations sont des facteurs de risque, qui prédisposent un individu à des problèmes de santé. Cela dit, ces mutations à risque ne sont pas toujours suffisantes pour provoquer une maladie : une maladie ou un caractère causant des mutations peuvent ne pas être pénétrant à 100 %, ce qui fait qu'ils ne causent pas toujours une maladie cliniquement décelable.

Les variants d'ADN associés aux maladies cardiaques chez le chat sont un excellent exemple de ces mutations « à risque ». Ainsi, la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) n'est pas pénétrante à 100%, ce qui fait qu'elle ne cause pas toujours une maladie cliniquement décelable. Chez les humains atteints d'une maladie cardiaque, en cas de test génétique, on constate habituellement que toutes les personnes porteuses de la mutation impliquée ne sont pas malades. Il en va de même chez le chat : les porteurs du variant A31P sur MYBPC3 ne sont pas tous atteints de CMH.

Pour le chat, tous les tests ADN pour des maladies à pénétrance incomplète n'ont pas suscité autant de controverse que le test HCM. P. ex., la mutation CEP290 PRA, qui cause l'atrophie progressive de la rétine chez l'Abyssin et les races apparentées a une expression tardive et on a diagnostiqué des chats atteints de maladie infraclinique. Certains chats soufffrant d'une carence en pyruvate kinase peuvent présenter des symptômes très légers et infracliniques.

III - Les problèmes

1 - Les difficultés liées à différentes races ou populations

Après l'identification d'une mutation pour un gène qui cause une couleur de robe ou une maladie particulière, un laboratoire établit un test ADN pour cette mutation et le commercialise. Tous les laboratoires peuvent être techniquement très bons, mais certains ne connaissent pas assez les chats et les races de chats. Ainsi, certaines préoccupations concernant la spécificité et à la sensibilité des tests ADN, notamment pour les races de chats hybrides, sont dues à un manque de connaissance de la façon dont on développe les races de chats et des relations évolutives entre les chats.

Les tests ADN concernent en général des maladies spécifiques à une race. Cependant, pour certaines races, des croisements avec d'autres races sont autorisés. On effectue aussi des croisements, légalement ou illégalement, pour modifier l'aspect d'une race. P. ex., le Siamois et le Persan ont ainsi influencé de nombreuses races de chats. De plus, on élève des chats dans le monde entier et les règles des livres des origines et des associations diffèrent parfois. Un croisement autorisé par la TICA aux USA peut être interdit par la CFA ou le GCCF au Royaume-Uni. Toute mutation identifiée dans une race peut être trouvée dans les races apparentées : les laboratoires doivent donc connaître la dynamique des races de chats pour savoir si un test est valide pour une race donnée dans n'importe quelle partie du monde.

Pourquoi faut-il savoir pour quelles races un test ADN est validé ?

Le problème, c'est l'hétérogénéité des maladies. P. ex., il existe de nombreuses causes d'insuffisance rénale chez le chat : toutes les insuffisances rénales ne sont pas causées par la PKD. Les chats ont différents types de maladies cardiaques et toutes ne sont pas de type HCM. Même si un diagnostic de HCM est définitif, il faut savoir que toutes les HCM ne sont pas causées par la même mutation. On peut soumettre un chat à un test ADN pour la CMH ou la PKD parce qu'il présente des signes cliniques compatibles avec ces maladies mais si le résultat du test est négatif, cela ne signifie pas que le chat n'a pas de HCM ou de PKD : si le test n'a pas été validé pour la race concernée, cela veut uniquement dire que le chat n'a pas la mutation connue pour causer la HCM chez le Maine Coon ou la PKD chez le Persan.

Les laboratoires ont des compétences diverses en matière de conseil génétique. Le vétérinaire est souvent livré à lui-même pour interpréter un test négatif, c'est pourquoi un test est généralement préconisé pour une race précise. Un test est validé pour une race quand un nombre suffisant de chats d'une race précise présente des données cliniques, comme des diagnostics échographiques et des résultats de tests ADN, sauf si le croisement avec une races à risque est établi. En plus de connaître les chats, les laboratoires doivent donc aussi connaître la génétique des races.

2 - Les mutations silencieuses

Lors de la recherche des mutations importantes, les mutations silencieuses, comme celle qui cause le patron colourpoint, sont généralement écartées, car ce sont des variations génétiques normales. Certaines mutations n'ont pas d'effet sur le phénotype ou la santé, mais elles peuvent faire des ravages avec un test génétique.

Un exemple réel : un Sibérien blanc dominant aux yeux jaunes a fait l'objet d'un test ADN pour déterminer les allèles de couleur de robe sous-jacents. Le test pour les mutations de (TYR) a suggéré que le chat était homozygote pour le colourpoint. Le chat aurait donc dû avoir les yeux bleus, même en étant blanc dominant. Ce chat avait en fait la variante normale, mais silencieuse, de la mutation pour les points. Comme la séquence génétique n'était pas la séquence normale, le test a échoué pour cet allèle et le résultat du test suggère que le chat était homozygote pour le colourpoint. Un bon laboratoire sait que cela peut se produire et dispose de moyens pour détecter ces problèmes. Comme le laboratoire concerné avait de nombreux échanges avec des éleveurs, le test a été remanié pour tenir compte de cette anomalie.

3 - Les races de chats hybrides

Felis chaus
Felis chaus

Certaines races de chats domestiques ont été créées par croisement avec différentes espèces de chats sauvages. Ainsi, pour créer le Bengal, on a croisé des Chats léopards d'Asie (Prionailurus bengalensis) avec des races de chats domestiques. Le Chausie a été créé à partir de croisements entre des chats domestiques et des chats de la jungle (Felis chaus) et le Savannah est issu de croisements entre des chats domestiques et des Servals (Felis serval). Les hybrides de Lynx roux (Lynx rufus) avec des chats domestiques n'ont pas été génétiquement prouvés à ce jour.

Chausie
Chausie

Le Chat domestique avait un ancêtre commun avec le Chat léopard d'Asie il y a environ 6 millions d'années, avec le Lynx roux il y a environ 8 millions d'années et avec le Serval il y a environ 9,5 millions d'années. Ces chats sauvages et le Chat domestique ont donc des millions d'années de divergence évolutive ce qui fait que les séquences d'ADN d'un chat domestique et d-une de ces espèces de félidés sauvages présent de nombreuses différences. Ces variantes génétiques sont fonctionnelles au sein de chaque espèce, mais non fonctionnelles d'une espèce de félidés à l'autre. Le Chat de la jungle est plus étroitement lié au Chat domestique que le Chat léopard au Chat domestique, mais le Chausie reste un chat hybride.

Les différences génétiques sont très probablement des mutations silencieuses, mais la variation interagit avec les tests ADN et peut causer plus d'abandons allèles que la normale. Pour que les tests soient valables, il faut qu'entre les chats il y ait un niveau normal de variation d'une séquence spécifique. C'est un problème pour les chats hybrides. Aucun test ADN n'a été validé pour les races de chats hybrides, bien que ces tests soient fréquemment utilisés pour le Bengal.

Certaines couleurs de robe des chats hybrides sont spécifiques. Les mutations de couleur de robe se sont produites pendant la domestication précoce du chat, avant que les races ne soient développées, toutes les races ont donc tendance à avoir les mêmes mutations. C'est vrai pour presque tous les chats mais pour les races hybrides il peut se produire des bizarreries avec les tests de couleur de robe. La couleur charcoal chez le Bengal est un exemple : elle est due au fait que les Bengals ont un allèle du Chat léopard, APb, un type d'Agouti spécifique à Prionailurus bengalensis, et un second allèle du Chat domestique, non agouti, a. Si le Bengal a des allèles venant d'espèces différentes pour la couleur, il peut aussi avoir différents allèles sur tous les autres gènes de son génome.

On ne connaît pas la précision des tests ADN pour les races de chats hybrides. En effet, si les allèles du Chat domestique sont présents, le test fonctionnera comme prévu, mais, on ne sait jamais quand un allèle ou les 2 viennent du Chat léopard. Comme en général on sélectionne les couleurs félines sauvages, on sélectionne les séquences d'ADN qui peuvent provoquer l'échec des tests.

Les chats hybrides peuvent aussi présenter des incompatibilités alléliques pour un gène donné. Ils peuvent donc avoir des problèmes de santé et d'infertilité inattendus, ce qui constitue un défi à la fois pour les études génétiques, pour la recherche et pour les soins de santé primaires.

4 - Facteurs compliquant l'interprétation des tests ADN

Pénétrance incomplète :

En bref : les facteurs compliquant l'interprétation des tests ADN

Pénétrance incomplète : pour certains traits et certaines maladies, même si une variante causale est identifié, un individu porteur de ce variant ne présente pas forcément l'affection en question.

Âge d'apparition : certaines maladies évoluent lentement et peuvent ne s'exprimer que tard dans la vie. Dans ce cas, le chat doit être surveillé pendant une longue période afin de déterminer s'il est porteur d'un caractère indésirable ou s'il est indemne de la maladie.

Expression variable : l'expression de la plupart des traits et des maladies varie selon l'individu. P. ex. certains chats atteints de PKD n'ont que quelques kystes et n'évoluent jamais vers une maladie rénale. Chez d'autres chats, la maladie est grave et progresse rapidement, les chats succombent alors à une insuffisance rénale tôt dans leur vie.

Hétérogénéité de la maladie : souvent, plus d'un variant dans le même gène ou des variants dans différents gènes apparentés peuvent causer la même maladie. P. ex., l'hétérogénéité génétique de la CMH chez l'homme est bien établie : on peut donc penser qu'il en va de même pour le chat.

Précision des tests ADN : les erreurs dans les tests peuvent causer des résultats inexacts, ce qui entraîne une confusion dans l'interprétation des résultats. Il faut particulièrement se méfier des panels de tests.

Diagnostic clinique inexact : les procédures, la sensibilité de l'équipement et la formation du personnel sont essentiels à l'obtention d'un diagnostic clinique exact. Les définitions, la sensibilité de l'équipement, la formation du vétérinaire et son expérience sont autant de facteurs qui influencent la précision du diagnostic.

Pour certains caractères et certaines maladies, même si un variant causatif connu est identifié, un individu porteur de ce variant peut ne pas exprimer la maladie. En général, on ne sait pas pourquoi une affection ne se manifeste pas mais des interactions génétiques, biologiques et environnementales jouent certainement un rôle dans l'apparence et la santé d'un individu. La précision du diagnostic clinique peut aussi influencer la détermination de la pénétrance.

Dans le cas de la CMH, l'échocardiographie n'est pas un outil assez sensible pour détecter les formes très légères de CMH chez le chat, de sorte que de nombreux chats atteints d'une CMH légère ne semblent pas cliniquement atteints de maladie cardiaque. L'expérience et les préjugés des opérateurs jouent &aussi un rôle dans le diagnostic. P. ex., les personnes sans expertise en matière d'examens échographiques pour la CMH ou la PKD sont moins susceptibles de fournir un diagnostic précis pour ces maladies.

Âge d'apparition

Pour certaines maladies, la pénétrance est liée à l'âge : ces maladies progressent lentement et peuvent ne se manifester que tard dans la vie du chat. Il faut donc suivre le chat pendant une longue période pour déterminer s'il est porteur d'un caractère indésirable ou exempt de la maladie. Chez l'homme, la CMH due à des mutations sur MYBPC est clairement une maladie à progression lente, qui ne s'exprime généralement qu'après 50 ans. Chez le Maine Coon, la CMH peut aussi se développer chez des chats plus âgés, notamment chez les chats hétérozygotes pour la mutation. Souvent, une maladie autosomique dominante est plus grave si 2 copies de la mutation à risque sont présentes chez un individu, causant une maladie plus précoce et plus grave, ce qui semble être le cas avec la mutation A31P, testée pour le Maine Coon. L'âge définitif à partir duquel un chat ne développera pas de CMH n'est pas déterminé avec précision.

Expression variable

La plupart des caractères et des maladies ont une part d'expression variable, qui diffère selon les individus. 3 exemples :

  • Tous les chats porteurs de la mutation pour la dilution du noir ne sont pas du même bleu/gris. Clairement, la génétique et l'environnement de l'individu influencent l'expression globale des caractères et des maladies.
  • Le niveau d'expression peut être variable pour l'épaisseur de la paroi ventriculaire gauche chez les chats atteints de CMH. Les chats peuvent présenter une CMH légère, modérée ou sévère. Seuls les chats atteints de CMH sévère présentent des signes cliniques, même si certains chats apparemment moins gravement touchés peuvent mourir subitement. Des chats atteints de CMH peuvent se situer dans la plage « équivoque » de l'épaisseur de paroi, de sorte qu'il est difficile d'évaluer précisément leur statut. Ces chats équivoques peuvent évoluer vers une maladie plus grave avec le temps et, parfois, le statut équivoque est aussi grave que la maladie.
  • En cas de PKD, certains chats atteints n'ont que quelques kystes et n'évoluent jamais vers l'insuffisance rénale, alors que d'autres subissent une progression sévère et rapide de la maladie et succombent à une insuffisance rénale en quelques années.
Hétérogénéité de la maladie

Souvent, plusieurs variants sur un même gène ou des variants sur différents gènes apparentés peuvent causer la même maladie. L'hétérogénéité génétique de la CMH est bien établie chez l'homme : on peut donc penser qu'il en va de même chez le chat. Actuellement, plus de 1 000 mutations dans plus de 10 gènes sont connues pour causer la CMH chez l'homme. Seules 2 mutations causant la CMH chez le chat ont été identifiées : la mutation A31P chez le Maine Coon et la mutation R820W chez le Ragdoll, qui cause aussi la maladie chez l'homme. Les 2 mutations se trouvent dans MYBPC3, le gène le plus souvent muté chez les humains atteints de CMH. D'autres races de chats, dont le Bengal, le Sibérien, le Devon Rex et le Sphynx, comme les chats croisés n'ont pas les mutations A31P ou R820W ou leur prévalence est extrêmement faible. Cependant, certains Maine Coons ayant une CMH n'ont pas la mutation A31P. Il doit donc y avoir au moins une autre cause de CMH dans cette race, sans doute une autre mutation.

Les mutations causant le poil long chez le chat sont d'utres exemples d'hétérogénéité des caractères.

Fiabilité des tests

Les laboratoires utilisent différentes méthodes pour rechercher les variants identifiés. Des erreurs dans les analyses peuvent produire des résultats inexacts, causant une interprétation erronée des tests. Avec les panels de tests, la situation a empir&eé. En cas de grands panels, la précision du génotype est réduite par rapport à un test unique. L'analyse d'un variant d'ADN à la fois permet de mieux contrôler les erreurs potentielles. Les tests à large panel, ne sont généralement pas recommandés à des fins de diagnostic pour les soins de santé, car les taux d'erreur sont plus élevés et plus difficiles à contrôler. De nombreux laboratoires ont une clause de non responsabilité en cas déutilisation des résultats des tests pour des décisions de soins de santé. Il est souvent recommandé de procéder à un second test, si possible auprès d'un laboratoire spécialisé menant des recherches sur la maladie en question, ou d'un laboratoire disposant de diverses technologies pour le génotypage des variants de l'ADN.

Diagnostic clinique inexact

Les procédures, la sensibilité de l'équipement et la formation du technicien vétérinaire et son expérience influent sur la précision des diagnostics. L'examen du cœur par ultrasons est la méthode la plus courante et actuellement la seule méthode utile pour détecter les maladies cardiaques chez le chat. Plusieurs études ont évalué la prévalence de la CMH chez les chats domestiques à poil court et les Maine Coons. Toutes les maladies cardiaques ne sont pas des CMH et la définition même de la CMH fait l'objet d'un débat. Les cardiologues n'utilisent pas une définition uniforme de la CMH. Il est donc difficile de corréler un résultat de test génétique avec un rapport échographique, surtout si les critères diagnostiques détaillés ne sont pas présentés dans le rapport. Les erreurs d'interprétation des examens échographiques peuvent causer des interprétations différentes du statut de la maladie.

Groupe sanguin

Le chat est une des rares espèces dont le variant du groupe sanguin a été identifié. Une incompatibilités de groupe sanguin peut causer une réaction transfusionnelle ou une isoérythrolyse néonatale, mais ce n'est pas en soi une maladie. Une mutation ponctuelle et la délétion de 18 paires de bases sur le gène CMAH sont toutes 2 impliquées chez un chat de groupe sanguin B, ou un porteur de ce groupe. Les 2 variants étant sur le même allèle, on n'a pas encore déterminé lequel des 2 est véritablement causatif. On doit donc toujours rechercher les 2 variants pour déterminer génétiquement le groupe sanguin du chat, mais certains laboratoires ne recherchent qu'un variant, le mauvais.

5 - Les tests génétiques inappropriés

Les laboratoires s'efforcent d'offrir les meilleurs services au coût le plus bas. Les nouvelles technologies permettent d'augmenter le débit d'échantillons et d'effectuer plusieurs tests en une seule analyse, ce qui réduit considérablement les coûts des réactifs et de la main-d'œuvre. De nombreux laboratoires fournissent tous les tests génétiques disponibles pour une espèce donnée. Cependant, certains tests proposés pour le chat ne bénéficient pas d'une assise scientifique suffisante et certains laboratoires proposent des tests ADN non scientifiquement fondés pour simuler un avantage concurrentiel. P. ex. un variant sur MYBPC3 pour la HCM, nommé A74T, avait été signalée dans un article comme étant causatif de CMH, mais sans avoir été présenté dans une publication évaluée par les pairs. Certains laboratoires commerciaux ont proposé le test pour A74T, et il est vite devenu évident que le variant A74T existe dans de nombreuses races, sans corrélation significative avec la CMH.

Les laboratoires dégagent leur responsabilité, laissant souvent le vétérinaire, le propriétaire ou l'éleveur spéculer sur la validité réelle des tests. Tout test ADN devrait faire l'objet d'une publication servant de référence pour déterminer la séquence génétique entourant la mutation et fournir le soutien statistique nécessaire pour confirmer que cette mutation cause bien la maladie ou le caractère concerné chez des races et populations particulières. Les résumés publiés ne sont pas des références appropriées.

IV - Importance des tests ADN pour l'élevage

Les éleveurs qui le souhaitent sont très bien informés des facteurs nécessaires pour élever des chats en bonne santé avec un bon type et un bon caractère. Les nombreux tests ADN disponibles les aident à déterminer avec plus de précision les croisements appropriés et le choix des reproducteurs en fonction de leur programme d'élevage, tout en améliorant la santé globale des chats, ce qui doit être leur prioritéabsolue..

Un exemple : les éleveurs de Korat, une race à très faible population, ont appris à gérer 2 types de gangliosidoses dans leur race tout en la préservant, en ne faisant jamais reproduire 2 porteurs ensemble et en éliminant peu à peu les porteurs.

Grâce aux tests, les éleveurs peuventêtre plus efficaces tout en réduivant leurs coûts : ils peuvent faire naître moins de chats non nécessaires à leur programme, réduisant de ce fait la taille de leur chatterie, ce qui améliore la santé globale de lélevage.

De plus, si un éleveur fait naître plus de chats utiles et moins de chats inutiles, il peut consacrer plus de temps, d'énergie et de fonds précieux aux soins de santé des chats désirés. En outre, la diminution de la taille d'une chatterie est un facteur important de réduction du stress et des problèmes de santé qui y sont liés, comme les maladies des voies respiratoires supérieures, les maladies urinaires et la péritonite infectieuse féline. La bonne gestion génétique d'un simple caractère de couleur de robe peut donc indirectement améliorer l'état de santé de toute une chatterie.

V - Conclusion

Actuellement, on connaît plus de 25 variants d'ADN (y compris les variants de groupe sanguin) chez les chats de races et 55 chez les chats issus de populations aléatoires. Il convient de surveiller ces variants dans le cadre des soins de santé des chats, pour améliorer la santé globale des populations félines et étayer les stratégies d'élevage.

Il est important de se rappeler que, si les tests ADN sont un outil de prévention efficace, voire le moyen de faire disparaître certaines maladies grâce à la sélection génétique, les tests ADN doivent faire l'objet de la même minutie que toute autre procédure de diagnostic. En outre, l'interprétation des résultats doit être faite par un professionnel dans le cadre d'un plan de soins de santé global.

L'un des objectifs à long terme de l'identification des variants d'ADN est la correction des anomalies par des thérapies géniques et des pharmacothérapies ciblées individualisées, et là, chats et humains, même combat ! Le Dr L.A. Lyons souligne que les progrès en matière de génomique chez les animaux de compagnie, notamment le chat, conduiront à de nouvelles découvertes utiles pour les maladies humaines. Elle précise qu'un soutien supplémentaire à la génomique féline pourrait déboucher sur des modèles biomédicaux efficaces basés sur les félins, qui combleraient un vide important notamment pour les thérapies ciblées et la médecine translationnelle.

Points clés

Les tests ADN sont un outil de diagnostic important pour le vétérinaire, l'éleveur et le propriétaire.

Les tests ADN ne sont pas infaillibles et on doit tenir compte de la fiabilité de la procédure de test, de la réputation et du service client du laboratoire choisi.

Connaître la relation des chats avec leur race d'origine et les groupes apparentés peut permettre de prévoir des problèmes de santé.

Certains caractères sont très recherchés et les tests ADN peuvent aider les éleveurs à déterminer avec plus de précision les croisements appropriés pour les obtenir.

Certains caractères ne sont pas souhaités : on peut utiliser les tests ADN pour éviter une maladie, voire éliminer un problème de la population.

Les vétérinaires doivent tenir compte du poids d'un variant conférant un risque de maladie dans leurs critères de diagnostic et leurs protocoles de traitement.

Les éleveurs doivent tenir compte dans leurs choix d'élevage de ces mêmes facteurs de risque au même titre que des autres caractéristiques importantes d'un chat.



Crédit illustrations :

  • Felis silvestris silvestris : Lviatour, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
  • Tableaux et composites adaptés des articles de L.A. Lyons, karyotype avec l'aimble autorisation de Roscoe Stanyon.
  • Chausie :Wilczakrew, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
  • Felis chaus :Soumyajit Nandy, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.
  • Composite de faces du groupe persan : Investigation of inherited diseases in cats Genetic and genomic strategies over three decades, Barbara Gandolfi and Hasan Alhaddad

Sources complémentaires :

À consulter aussi :