Cet article est tiré de plusieurs publications de Leslie A. Lyons :
« DNA mutations of the cat : The Good, the Bad and the Ugly » (2015) ;
Feline Genetics : Clinical Applications and Genetic Testing » (2010) ;
« Genetic testing in domestic cats » (2012).
« Direct-to-Consumer Genetic Testing for Domestic Cats (2020).
« Precision medicine in cats - The right biomedical model may not be the mouse! (2020).
La santé du chat résulte d'une interaction complexe entre son environnement (l'acquis) et sa génétique (l'inné). On a trouvé chez le chat plus de 70 mutations : la plupart causent des maladies, des anomalies structurelles et des problèmes de santé que l'on peut constater cliniquement. Au fur et à mesure que le génome du chat sera déchiffré, le terme « idiopathique » sera de moins en moins utilisé pour le diagnostic de maladies et de problèmes de santé spécifiques à un individu. Les soins de santé de pointe incluront le profilage ADN de chaque chat, voire de sa tumeur le cas échéant, pour établir les meilleurs modes de traitement. Les tests génétiques et, à terme, le séquençage de la totalité du génome deviendront des protocoles de routine pour les maladies des chats et les soins de santé.
Exemple : Agouti
Un gène codant un caractère est constitué d'ADN, qui fabrique une protéine donnant naissance au caractère en question.
Le locus est l'endroit sur le chromosome où le gène est localisé, à l'intérieur de la séquence d'ADN.
On sait qu'une région du génome du chat contrôle l'action des pigments jaunes et noirs pendant la production d'un poil. Ce locus est nommé agouti.
Une séquence d'ADN donnée pour un gène est appelée allèle. L'allèle normal (sauvage) d'Agouti a été nommé « A+ » et le mutant « a ». Les lettres minuscules désignent les allèles récessifs, les majuscules les allèles dominants.. Ainsi, pour qu'un un chat soit non agouti (solide), il doit avoir copies de l'allèle mutant, « aa ».
Dès qu'on sait quelle protéine est produite par un gène donné situé à un locus spécifique, on redéfinit le nom du gène à partir d'une fonction de cette protéine. Ainsi, Agouti est défini par le gène appelé « protéine de signalisation agouti », abrégé en ASIP. Chez le chat, ASIP a 2 allèles, A+ et a.
Les noms d'allèles, de loci et de gènes sont écrits en italique mais les noms de protéines sont écrits en caractères normaux. L'allèle de type sauvage est désigné par un exposant « + ». Il peut être dominant ou récessif. D'autres allèles d'un gène, qui aident à préciser son action, peuvent être indiqués par d'autres lettres, notées en exposant. P. ex., pour Agouti, l'allèle APb indique qu'il s'agit de l'allèle agouti du Chat léopard (Prionailurus bengalensis), isolé chez le Bengal.
Le mot « mutation » a généralement une connotation négative, mais en fait, tout comme « type », ce terme n'est ni négatif ni positif : il existe des mutations bénéfiques, et d'autres qui posent problème. Les mutations de l'ADN du génome des mammifères, y compris de celui du Chat domestique ne font pas exception.
Larousse définit le terme « mutation » comme suit : « Apparition brusque, dans tout ou partie des cellules d'un être vivant, d'un changement dans la structure de certains gènes, transmis aux générations suivantes si les gamètes sont affectés ». Pour l'hérédité, ce changement implique une différence par rapport au « type sauvage », la forme type d'un organisme, celle que l'on rencontre habituellement dans la nature. Pour éviter les connotations négatives, la norme actuelle utilise le terme « variant » au lieu de « mutation » pour les modifications de l'ADN.
Le chat de type sauvage est brown mackerel tabby, avec le corps et la face de type modéré. Ce type de chat est à l'origine de tous nos chats actuels, qui ont évolué au fur et à des mutations.
Au fur et à mesure de l'évolution d'une espèce, des mutations d'ADN se produisent, créant des variants d'ADN. La fréquence de ces variants cause des changements dans la population de cette espèce en raison de la sélection naturelle et artificielle, des migrations, des étalons populaires et des individus fondateurs.
Au fil du temps, ce qui est inhabituel peut devenir habituel. Par exemple, le chat persan « habituel » actuel a un type de tête très brachycéphale. Pourtant, il y a 100 ans, le Persan était simplement un chat à poil long à la face normale et de type modéré, ce qui serait aujourd'hui très atypique. Le changement de structure de la tête du Persan a été obtenu par sélection artificielle, mais la sélection naturelle modifie aussi le type sauvage au fil du temps, surtout pour les gènes et les allèles qui affectent la valeur sélective.
La valeur sélective d'un chat est diminuée s'il ne peut pas se reproduire, si sa fécondité est réduite ou si sa durée de vie reproductive est raccourcie.
Sauf accident ou traumatisme de la vie courante (s'il est heurté par une voiture ou dévoré par un prédateur), un chat domestique banal qui a accès à l'extérieur devrait généralement vivre 12 ans et succomber à une maladie rénale, une hyperthyroïdie ou un lymphosarcome. Les chats plus jeunes présentant une morbidité ou une mortalité affectant normalement des individus plus âgés et plus faibles ont probablement des allèles qui compromettent leur valeur sélective, ce qui peut les prédisposer à des maladies. Beaucoup de chats vivent en bonne forme après 12 ans : il est donc probable que leur génome contient des variants d'ADN qui améliorent leur valeur sélective globale, augmentant ainsi leur résistance aux maladies.
L'ADN des chats sauvages, qui vivent dans un environnement plus naturel et souvent plus rude, est sujet aux mutations au même rythme que celui des chats domestiques et des chats de race, mais la durée de vie des chats sauvages est souvent plus courte. En effet, outre la compétition entre chats et les risques de traumatismes plus fréquents en environnement ouvert subis par un chat sauvage, les variants d'ADN à faible valeur sélective réduisent la capacité de reproduction d'un individu donné. La fréquence des variants altérant la valeur sélective est donc plus susceptible d'être inférieure dans la population sauvage que chez nos chats de maison et de race, dont nous gérons la santé. En effet, la gestion de la santé permet aux gènes à valeur sélective plus médiocre de survivre et de se propager dans l'espèce.
Globalement, la plupart des variants sont neutres et beaucoup sont « bons ». Les variants d'ADN aident à l'évolution d'une espèce en lui conférant des avantages en réponse aux différentes pressions de sélection. Une population a besoin de variation pour que des individus donnés soient capables de résister aux virus et aux infections, qui sont les causes probables des morts précoces chez le chat. Ces individus ont plus de chances de se reproduire et de disséminer leur génotype, qui est un peu plus évolué donc mieux adapté à leur environnement. De nombreux « bons » variants d'ADN sont simplement esthétiques et confèrent beauté et singularité au chat à titre individuel et aux différentes races. Mais, comme toutes les espèces, les chats ont aussi des variants d'ADN très « mauvais » et « terribles ». Cet article passe en revue les variants « bons, mauvais et terribles » de l'ADN du chat et présente l'état actuel des connaissances en matière de tests génétiques et de gestion de la santé génétique des chats.
Figure 1 : Effets d'un seul variant d'ADN sur la coloration du chat.À ce jour, on a décrit plus de 40 gènes, avec environ 70 variants d'ADN causant des modifications de phénotype, de groupe sanguin, ou de maladies chez le Chat domestique. La description clinique et le phénotype de ces maladies et de ces caractères sont référencés sur le site « Online Mendelian Inheritance in Animals (OMIA) » ressource précieuse pour comparer les phénotypes de 2 216 espèces animales.
Les 26 gènes notés au tableau 1 font souvent l'objet d'une sélection utile chez le chat, surtout le chat de race, cependant, tous les variants ne sont pas « utiles » selon les normes actuelles. Une fois le chat domestiqué, certains des premiers changements génétiques visibles ont causé des variations phénotypiques, comme la longueur et le type de fourrure, et la couleur et les motifs du pelage.
La plupart de ces loci ont été nommés d'après des traits découverts chez la souris domestique, avant qu'on connaisse leurs gènes et les protéines qu'ils produisent. A est pour Agouti , B pour Black ( Noir), C pour Colourpoint, D pour Dense (régit la dilution), E pour Extension (ambre), etc.
Les variants de couleur de robe sont communs à tous les chats et permettent le typage génétique chez toutes les races et populations félines.
Les loci (A - D, I, L, S, S, T, O et W) contrôlent les principaux traits phénotypiques des chats apparus avant le développement des races de chats avec L pour Longhair (poil long), Ws pour White spotting (panachure), T pour Tabby, O pour Orange, W pour White (blanc épistatique).
Bon nombre des premiers généticiens ont étudié les couleurs de la robe des chats pour comprendre les lois de base de l'hérédité.
Le gène Orange, situé sur le chromosome X chez le chat, est encore inconnu. O étant lié au sexe, son mode de transmission est très différent chez les mâles et chez les femelles. O a été l'un des premiers loci à être cartographiés génétiquement sur un chromosome spécifique, pour toutes les espèces.
Le gène L a 4 variants différents, qui sont probablement apparus dans diverses régions du monde et sont plus ou moins répandus chez certaines races (figure 2).
Figure 3 : Les motifs tabby des chats sont complexes. L'Abyssin (a) présente un variant situé au locus probable de Ticked (Tia) qui désactive tous les motifs du locus tabby, quel que soit l'allèle présent sur Tabby. L'American Shorthair (b) possède au locus Ticked (ti) un allèle qui permet l'expression des 2 allèles récessifs blotched (tb) au locus tabby pour produire un tabby classique (blotched). L'Ocicat (c) possède au locus Ticked (ti) un allèle qui permet l'expression des allèles au locus Tabby, qui sont probablement modifiés par d'autres gènes pour former les spots. On n'a pas encore clairement identifié les gènes modificateursOn connaît depuis longtemps un gène régissant les motifs tabby, mais on a récemment démontré qu'un autre gène contrôle l'expression du locus Tabby, et donc le phénotype tabby (figure 3).
Le locus Tabby (Taqpep) contrôle le motif tabby blotched (tb). Cependant, on considère maintenant qu'un deuxième locus, nommé Ticked, autorise ou interdit l'expression des motifs tabby. Le phénotype ticked tabby historiquement connu comme le tabby abyssin, Taa, est situé sur ce second locus, non encore identifié. Le motif visible est alors contrôlé par Taqpep (Tabby) et aussi par des gènes modificateurs.
S et W sont 2 loci très complexes dont on a récemment identifié le gène, ce qui a montré que le blanc épistatique et la panachure sont des allèles sur l'oncogène nommé KIT20. KIT, qui est aussi responsable du gantage des Birmans, a donc au moins 3 allèles.
Cependant, la panachure est très complexe chez la plupart des espèces domestiques : les gènes régissant les taches des chevaux et leurs allèles en sont un bon exemple. Chez le chat, KIT n'explique pas toutes les taches blanches, et son association avec la surdité n'est pas connue. La panachure est aussi associée à la domestication chez le renard, et probablement aussi chez nos espèces domestiques. La figure 1 présente les premiers signes de domestication chez le chat de type sauvage : notez la tache blanche sur le cou.
Chez le chat, le locus de la panachure a au moins 2 allèles : l'allèle sauvage et la panachure. D'autres allèles existent sans doute, comme le montre la difficulté de prévoir les motifs de la panachure blanche du Ragdoll. P. ex., le gantage blanc de certains Ragdolls n'est pas contrôlé par les mêmes variants d'ADN que ceux du Birman. Le mode de contrôle des taches blanches sur le cou et le ventre est également inconnu, mais il est possible que beaucoup de ces expressions soient dues à des fermetures aléatoires de la voie ventrale de migration des mélanocytes (cf. crête neurale).
Beaucoup des variants « utiles » de l'ADN des chats leur confèrent des qualités esthétiques, et nombre d'entre eux ont été identifiés dès les débuts l'élevage du chat. Certains variants plus récents, comme ceux qui régissent beaucoup de types de fourrure, sont propres à un type particulier et définissent des races. Les phénotypes du Cornish Rex et du Devon Rex font partie des phénotypes les plus anciens référencés pour une race. Ces chats à fourrure frisée font partie des premières races nouvelles. Les races de chats nus ( Sphynx, Donskoï), le Selkirk Rex et le Peterbald, plus récentes, présentent des variants de type de fourrure qui les définissent et qui sont scientifiquement documentées. D'autres races rares, comme LaPerm et le Tennessee rex ne sont pas documentées, mais leurs variants de poils frisés sont connus. Naked cats
On peut considérer que certains variants d'ADN connus, listés ci-dessous, ne sont pas « bons » au regard des normes actuelles en élevage félin.
Beaucoup de variants de couleur de robe, comme le blanc et la panachure, sont sans doute néfastes à l'état sauvage, d'où le fait qu'ils ne sont pas documentés chez le Chat sauvage.
Le blanc dominant est associé à la surdité. En outre, il cause un risque accru de mélanome dû à la dépigmentation en cas d'exposition aux UV.
Les altérations de l'ADN du Manx sont mortelles in utero en cas d'homozygotie, et beaucoup de Manx ont des problèmes de boiterie, d'incontinence ou de constipation. On sait maintenant que le Japanese Bobtail et le Kurilian Bobtail, aussi sans queue mais sans les problèmes du Manx, ne présentent pas de modification d'ADN au même gène que le Manx, et que le Manx et le Bobtail japonais contribuent à la génétique du Pixie Bob.
Beaucoup de gens affirment que les phénotypes nus ne sont pas naturels chez le chat (causés par des gènes récessifs), et ils sont sujets à l'hypothermie et aux coups de soleil.
Le phénotype Scottish Fold est associé à l'ostéochondrodysplasie, pathologie extrêmement douloureuse qui affecte le développement des os et des cartilages.
Le nanisme, popularisé par le Munchkin, est aussi un phénotype controversé même si aucun problème de santé lié à ce phénotype n'est documenté à ce jour. Le gène causatif a été identifié en 2020.
La détermination des allèles associés aux phénotypes Scottish Fold et blanc dominant nous aidera sans doute à comprendre la biologie de base de ces gènes et le rôle des modificateurs génétiques qui agissent sur les problèmes de santé liés à ces gènes.
La génétique actuelle se concentre sur les altérations de l'ADN qui affectent des gènes spécifiques, mais un des premiers tests génétiques pour toutes les espèces a été l'examen de l'ensemble complet des chromosomes (caryotype) d'un individu pour déterminer si le nombre et la disposition des chromosomes étaient normaux. Les aneuploïdies des chromosomes sexuels et les trisomies de certains chromosomes sont en général associées à une baisse de la fertilité et à des syndromes causant des anomalies morphologiques distinctes.
Le syndrome de Turner (Xo), le syndrome de Klinefelter (XXY) et le chimérisme ont été documentés chez le Chat domestique. Comme le chat présente un caractère très reconnaissable lié au chromosome X, Orange, les chats mâles écaille de tortue et aléatoires. ont été les premiers félins soupçonnés d'anomalies des chromosomes sexuels. Des études caryotypiques de chats mâles écaille de tortue ont montré qu'ils sont souvent des cas de mosaïque ou des chimères parce que XX/XY dans tout ou partie de leurs tissus.
Les tests génétiques sont maintenant des méthodes courantes pour déterminer si un chat ayant des organes génitaux ambigus ou de mauvais antécédents reproductifs présente une anomalie chromosomique, mais on réalise encore souvent des caryotypes.
Le caryotype du Chat domestique est composć de 18 chromosomes autosomiques. et de la paire de chromosomes sexuels XY, soit 38 chromosomes en tout (2 chromosomes X pour une chatte). Chez le chat, l'alignement des gènes sur les chromosomes est très similaire à l'organisation génomique chez l'homme, ce qui rend le chat précieux pour la recherche chez l'homme. Le génome du chat est présent chez l'homme, mais on n'y retrouve pas certaines anomalies chromosomiques humaines. P. ex., il n'y a pas d'analogue à la trisomie 21 humaine chez le chat car les gènes situés chez l'homme sur le chromosome 21 sont, chez le chat, sur le chromosome C2, qui possède également des gènes du chromosome 3 humain. Une trisomie C2 perturbe plus de gènes chez le chat qu'une trisomie 21 chez l'homme : elle cause donc probablement une perte fœtale précoce qui n'est jamais détectée.
Les autres anomalies chromosomiques significatives causant des « syndromes » fréquents sont mal documentées chez le Chat.
Les différences chromosomiques mineures détectables sur le plan cytogénétique entre le Chat domestique et le Chat léopard asiatique sont probablement la cause des problèmes de fertilité chez le Bengal, qui est un hybride entre ces 2 espèces.
Les premiers variants d'ADN spécifiques de gènes identifiés chez le chat, découverts en 1994, sont ceux qui contrôlent la gangliosidose et la dystrophie musculaire, car ces maladies ont des phénotypes bien définis et des gènes connus qui altèrent l'ADN chez l'homme.
On a depuis découvert de nombreux autres variants pathogènes, pour la plupart chez des races de chats à pedigree, soit un faible pourcentage de la population féline mondiale, sans doute tout au plus 10 à 15% aux USA. Les tests de dépistage des maladies identifiées chez le chat sont spécifiques à des races et des populations,donc l'étude des relations entre les races permet de déduire des problèmes de santé génétiques héréditaires dus aux croisements.
Les chercheurs découvrent régulièrement de nouveaux variants pathogè et le nombre de test commercialisés croît en conséquence. Les sites des laboratoires les présentent en détail. En France, certains variants sont maintenant suivis par le LOOF et leur liste est publiée sur la page santé du LOOF.
Certains variants d'ADN identifiés chez une race spécifique ont été trouvés chez un seul individu. C'est le cas de la mucopolysaccharidose de type VI du Siamois : ce variant n'est donc pas préoccupant pour la race.
Certaines altérations de l'ADN du chat ont identifiées chez les chats de populations aléatoires, comme des variants causant une maladie qui ne s'est pas propagée dans une race. Ces variants ne doivent pas être intégrés au dépistage de routine, mais les tests génétiques peuvent être effectués à des fins diagnostiques. Des laboratoires spécialisés proposent des biomarqueurs pour aider à identifier des maladies spécifiques, comme les maladies de surcharge lysosomale et les désordres métaboliques.
A ce jour, la plupart des tests génétiques chez le chat portent sur des caractères à pénétrance presque complète, à expression peu variable et à apparition précoce. Cependant, on peut considérer que certains variants d'ADN connus chez le chat comme des facteurs de risque prédisposent un individu à un problème de santé spécifique. Il ne s'agit pas alors de caractères génétiques simples et clairs, mais de facteurs de risque complexes et de prédispositions à une génétique « monstrueuse». Malheureusement, la majorité des variations du génome s'avère être des gènes modificateurs, des polygènes, dont les variants d'ADN ont de faibles effets héréditaires. Jusqu'à présent, la recherche s'est concentrée sur les caractères génétiques simples des Chats, qui ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Le futur, c'est le déchiffrement des variants génétiques « terribles ».
On anticipe maintenant les raisons pour lesquelles une maladie ne s'exprime pas quand un variant spécifique d'ADN est présent, et on les déchiffre à mesure qu'on comprend mieux la totalité de notre séquence génomique. Les interactions environnementales jouent certainement un rôle dans l'apparence et la santé d'un individu et de ses organes. Plusieurs mécanismes génétiques connus peuvent compliquer l'interprétation des variants d'ADN et la prévision de leurs conséquences.
Un excellent exemple de variant d'ADN à risque chez le chat est celui associé aux maladies cardiaques, comme la cardiomyopathie hypertrophique (CMH). En 2005, les Drs Meurs, Kittleson et leurs collègues ont publié les résultats d'une étude montrant qu'une altération de la protéine A31P, située sur le gène de la protéine de liaison à la myosine cardiaque C3 (MYBPC3) était fortement associée à la CMH chez une colonie de Maine Coons. On sait maintenant que tous les Maine Coons porteurs du variant A31P n'ont pas de CMH et certains ont interprété à tort ce manque de pénétrance comme une preuve que le variant A31P n'est pas causatif. Cette interprétation erronée a provoqué un débat sur la validité du test CMH pour le Maine Coon. En effet, en cas de test génétique, comme pour les humains atteints d'une maladie cardiaque, il est habituel de constater que tous les chats porteurs du variant A31P sur MYBPC3 ne sont pas atteints de CMH. La controverse a donné lieu à des discussions dans les revues scientifiques et à la poursuite d'études visant à clarifier les interprétations. Il est clair maintenant que A31P est à pénétrance incomplète mais fortement associé à la maladie.
Comme les variants de la CMH féline, d'autres variants de maladies ont à pénétrance et à expression variables. Le variant CEP290 PRA chez l'Abyssin s'exprime à un âge tardif et on a identifié des chats atteints d'une pathologie infraclinique. Certains chats affectés d'une carence en pyruvate kinase peuvent présenter des symptômes très légers et infracliniques. Des variants responsables de maladies ou de caractères peuvent donc ne pas être pénétrants à 100%, et de ce fait ne pas toujours causer de maladie détectable cliniquement.
Des tests génétiques standardisés sont nécessaires pour partager les informations, combiner des ensembles de données et aider à la gestion des populations. Sous les auspices de l'ISAG, International Society of Animal Genetics, un panel de 15 marqueurs d'ADN pour la filiation et l'identification des chats domestiques a été développé, approuvé et commercialisé par des laboratoires du monde entier.
Il existe maintenant pour le Chat domestique un test qui détermine l'espèce et la race. Sur la base des études de Lipinski et al. et Kurushima et al., on a pu différencier 8 populations mondiales de chats, les espèces, et distinguer les principales races. On doit considérer de nombreuses races de chats comme des groupes de familles génétiques. Les marqueurs phénotypiques aident à délimiter les races au sein de groupes de races apparentées, comme le groupe persan, le groupe burmese ou le groupe siamois. P. ex., la présence du variant d'ADN fold identifie un individu du groupe persan comme étant un Scottish fold et non un Exotic shorthair.
Bien qu'ils se ressemblent, les chats domestiques sont issus de populations aléatoires et non d'un mélange de chats de pure race. Les populations de chats sauvages existaient bien avant les races, et les races sont des sous-ensembles des pools génétiques des populations de chats sauvages. Les races félines se sont développées à partir de populations aléatoires, qui existent dans diverses régions du monde depuis des milliers d'années. La plupart des chats sans race correspondent donc à une population régionale de chats, une « espèce » de chats, et non à un mélange de différentes races. C'est différent pour les chiens : beaucoup de chiens errants sont en fait issus de croisements de races.
On peut maintenant séquencer le génome humain complet en quelques jours à quelques semaines, à un coût raisonnable. Le séquençage du génome est déjà intégré à des systèmes de soins de santé dans certains pays. Il fera probablement bientôt partie de la procédure standard des soins de santé humaine et cette technologie sera bientôt adaptée à d'autres espèces.
Pour le chat, le séquençage du génome entier sert actuellement à étudier des maladies et des caractères dont on sait qu'ils sont transmissibles, et quand on ne dispose pas d'un nombre d'individus suffisant pour un autre type d'analyse génétique. Tout comme pour l'homme, les bases de données de variants génétiques seront un jour suffisantes pour étudier le cas d'individus ayant des problèmes de santé peu fréquents. L'initiative « 99 Lives Cat Genome Sequencing » a été lancée pour que les normes des soins de santé pour les chats soient les mêmes que pour les humains. Le but est de découvrir les variations génétiques chez le chat pour améliorer non seulement sa santé mais aussi la santé humaine. On va peu à peu trouver les causes génétiques individuelles de maladies sporadiques ou idiopathiques, ce qui mènera à une médecine personnalisée hautement spécifique pour nos animaux de compagnie.