Kreiz Ar Mor Bohort, Maine Coon polydactyle
Si on retient souvent parmi les mutations celles qui sont négatives, à l'origine d'une pathologie réductrice de la qualité et durée de vie des individus qui la portent, c'est que l'Homme s'est avant tout penché sur le comment des maladies, dont celles d'origines géniques, afin de tenter de les guérir. Elles sont donc mieux connues. L'intérêt d'une mutation "anodine" dans ses conséquences sur le porteur est effectivement "anodin" puisque n'affectant en rien la santé.
Ceci étant, il est une de ces particularités anatomiques existant chez le Coon (et d'autres races félines) qui intéresse l'élevage de cette race. C'est la polydactylie, fait d'avoir des doigts surnuméraires. Pourquoi intéresse-t-elle l'élevage? Parce qu'il y a des adeptes de ce particularisme qui confère de grosses papattes et parce que certains Coons porteurs de ce particularisme morphologique ont été écartés du pool des fondateurs de la race. Non reconnus par le standard donc retirés de reproduction, certains sont intéressants dans le sens "outcrossing" (très peu de Top 5 - même si d'autres poly sont par contre issus de chats qui ont assez largement participé à la construction des lignées classiques). Ces chats représentent donc aujourd'hui un stock possible de nouveaux allèles qui n'auraient pas été intégrés par les Tops et les Clones, un moyen "d'ouvrir le sang" en introduisant des lignées qui ont été très peu utilisées. Certains éleveurs ont perpétué cette particularité et il y a toujours aujourd'hui des Coons polydactyles. Le maintien du caractère est facilité par le fait qu'il soit dominant.
On notera que les Polydactyles ne sont toujours pas reconnus par les standards et ne sont pas acceptés en exposition. Ils sont admis pour la reproduction et ont un pedigree.
Comme le caractère est dominant, ce sont théoriquement 50% des chatons issus d'un mariage avec un Poly qui le seront.
Mais il est aussi indispensable de savoir qu'au delà de la mutation qui n'entraîne que la polydactylie, d'autres, sans doute très proches, génèrent des malformations squelettiques invalidantes : la survie n'est possible que dans le contexte humain, pas dans la nature. Si certains trouvent là l'occasion de déverser leur affectif, il semble nécessaire d'aborder l'angle éthique de l'élevage, la question étant celle des limites que l'on se pose quant à faire naître délibéremment des chats "si attachants car tellement différents" pour lesquels il y aura toujours des adeptes mais qui sont littéralement des invalides. Le travail avec des chats polydactyles amène donc les éleveurs à une croisée, celle que tout éleveur rencontre un jour : trancher entre le tolérable car il ne porte pas atteinte à la qualité de la vie, appréciée en relation avec la nature et dans celle-ci, et ce qui ne l'est plus en ramenant l'animal à un objet, certes choyé mais totalement dépendant de ce que lui offre l'Homme pour sa survie. Ce qui suit aborde ainsi la précaution de ne pas marier entre eux des chats polydactyles, ce que certains ont la rigueur de respecter.
La polydactylie et les caractères associés
Par Solveig Pflueger, MD, PhD, FACMG
Extrait de Cat Fancier's Journal -Automne 1998-
Note du rédacteur en chef : L'article suivant est inclus uniquement dans un but pédagogique pour la génétique. L'auteur ne plaide pas pour l'élevage des chats atteints d'hypoplasie radiale.
La plupart des chats naissent avec 18 orteils, cinq à chaque patte avant et quatre aux pattes arrières. Le doigt numéro 1 (ndt : équivalent du pouce chez l'homme), est plus petit que les autres doigts et est parfois nommé ergot, particulièrement chez les chiens. Ce doigt supplémentaire est habituellement absent des pattes arrières, d'où un nombre de doigts moins important. Il existe aussi des chats avec un nombre de doigts plus important ou plus faible (ndt : 5 est le nombre originel de doigts du membre dit pentadactyle des Vertébrés ; c'est l'état ancestral). Dans la littérature scientifique, le terme "polydactylie" (poly signifiant plusieurs et dactyle se référant aux doigts) est souvent utilisé pour mentionner des doigts supplémentaires. "Oligodactylie" est le terme utilisé en cas de doigts moins nombreux que d'habitude. Ces deux états (car on peut les considérer comme des états dérivés du caractère ancestral "nombre de doigts") ont été décrits chez de nombreux Mammifères. En Nouvelle Angleterre, il n'est pas rare de voir des chats à doigts surnuméraires en classe "chat de maison". Bien que cette particularité soit considérée comme disqualificatoire en championnat et que les chats qui la présentent ne soient habituellement pas élevés par les amateurs de chats (la seule exception est le Pixie-Bob, reconnu par la TICA), les propriétaires de chats de compagnie tendent à trouver attrayants des chats aussi originaux et quand il naît une portée comprenant plusieurs chatons à grosses pattes aux nombreux doigts, ceux-ci sont souvent les premiers adoptés.
Chez les Mammifères, la polydactylie est classée par les embryologistes comme préaxiale ou postaxiale. "Axial" se rapporte à la pliure du membre embryonnaire. Le côté du doigt numéro 1 est avant l'axis, ou préaxial, alors que le petit doigt est considéré comme postaxial. La polydactylie constatée chez l'homme est en général postaxiale. En d'autres termes, il y a un petit doigt supplémentaire, et il existe un gène dominant pour la polydactylie relativement fréquent notamment, mais pas exclusivement, chez des familles noires. Au contraire, la plupart des chats polydactyles présentent une forme de polydactylie préaxiale avec le(s) doigt(s) supplémentaire(s) du côté du doigt numéro un sur la patte.
La main ou la patte embryonnaire ressemble à une palette. Les doigts séparés apparaissent comme un résultat de la mort programmée (nommée apoptose) des cellules se trouvant dans l'espace entre celles qui vont se différencier pour construire les doigts. Une apoptose incomplète aura pour résultat la fusion des doigts, ou syndactylie.
La forme de polydactylie la plus fréquemment observée chez les chats est le résultat d'un simple caractère autosomal dominant. Elle ne semble pas affecter le chat de manière négative et on ne connaît pas d'associations avec d'autres anomalies. Bien que certains propriétaires soutiennent que les grosses pattes des polydactyles permettent au chat de mieux marcher sur la neige, par un effet raquette, et ainsi améliorent la survie au cours des longs hivers de Nouvelle Angleterre, il n'y a aucune preuve réelle d'un rôle significatif, positif ou négatif, de la polydactylie dans la sélection naturelle. Cependant, cela peut être un élément de sélection artificielle fondée sur la préférence des gens pour des chats uniques et rares, une préférence qui a permis de maintenir le caractère polydactyle dans la population de chats domestiques.
La forme habituelle de polydactylie féline résulte de la duplication du doigt numéro 1 et il n'est pas rare de trouver jusqu'à trois doigts au lieu d'un habituellement, le résultat ressemblant presque à une seconde patte. Sur les pattes arrières, il peut aussi y avoir des doigts supplémentaires ressemblant parfois à des doigts normaux mais aussi parfois avec une structure semblable à celle d'un ergot, plus haut sur la patte. Ces doigts supplémentaires ne semblent pas gêner le mouvement ou la fonction et il n'existe aucune preuve d'effets défavorables chez les homozygotes. Cependant, la formation du pied embryonnaire est un processus complexe du point de vue du nombre de transformations impliquées et il ne serait donc pas étonnant que plus d'une mutation génétique produise des doigts supplémentaires. Il y a un grand nombre de caractéristiques chez l'humain associées à la polydactylie et il n'est pas invraisemblable que plus d'une forme de polydactylie existe également chez le chat. On a la preuve de l'existence chez les chats d'un second caractère polydactyle dominant, qui produit une morphologie différente de la polydactylie habituelle, et dont les effets se font sentir au-delà du pied lui-même (sur le segment précédent la main, segment 2 ou intermédiaire du membre, la main étant le segment 3 ou distal). Ce caractère confère au doigt numéro un une articulation supplémentaire, lui donnant plus l'apparence d'un doigt humain que celle de l'habituel ergot félin rudimentaire. Ce doigt numéro un à trois phalanges peut être double, et le doigt suivant est parfois à l'identique.
Les doigts supplémentaires sont habituellement présents sur les pattes arrière, où ils peuvent ressembler à la polydactylie habituelle. On note parfois un ergot arrière.
Bien que la polydactylie elle-même ne soit pas un problème pour le chat, ce gène semble avoir une seconde manifestation qui affecte plus défavorablement la construction embryonnaire du membre. Un chat avec des doigts numéro 1 à trois phalanges peut engendrer des chatons présentant une hypoplasie (sous-développement) ou aplasie (absence) du radius, l'un des deux os constituant l'avant-bras.
Quand cela se produit, le doigt numéro 1 lui-même est généralement aussi absent. Le chat peut effectivement avoir 5 doigts aux pattes avant, mais ces doigts auront l'apparence des autres doigts, non celle du doigt numéro 1. La face interne de la patte est lisse, sans même le vestige d'un ergot (Chez les espèces présentant une réduction du nombre des doigts, il persiste quelquefois un vestige des pièces osseuses disparues, sous forme d'une petite baguette osseuse résiduelle. C'est le cas par exemple chez le cheval qui n'a conservé que le doigt 3, mais qui présente un vestige de métacarpe d'un des doigts disparus).
Si le radius est absent ou nettement plus petit que la normale, le membre sera réduit et plié vers l'intérieur au coude et au poignet, souvent avec un angle de 90°. En général deux os de l'avant bras contribuent à la formation des articulations du poignet et du coude. Avec seulement un os de soutien, l'articulation est inclinée vers l'élément de soutien. A cause de cela, le coussinet peut dévier vers l'intérieur plutôt que vers le sol, ce qui fait que le membre paraît tordu.
En général les pattes arrière ne sont pas concernées et les chats les plus touchés peuvent se mouvoir, en dépit de leur apparence inhabituelle. Mettre une attelle au membre touché pendant la croissance du chaton peut améliorer l'apparence et le fonctionnement de celui-ci et semble avoir été nettement bénéfique dans deux cas connus de l'auteur.
Cette caractéristique d'hypoplasie radiale du doigt numéro 1 à trois phalanges est l'explication la plus plausible pour les "Twisty Cats" (chats tordus) décrits dans le numéro du 27 novembre 1998 du Wall Street Journal. Les propriétaires de ces chats ont travaillé avec des chats polydactyles et ont involontairement utilisé un chat portant ce second caractère de polydactylie, produisant subséquemment des chats à hypoplasie radiale comme à polydactylie. En dépit de leur apparence inhabituelle, les chats affectés paraissent en bonne santé. Toutefois, il n'est pas souhaitable d'élever délibérément des chats qui ont une hypoplasie radiale.
Bien que la majorité des polydactyles soient concernés par la forme habituelle qui se traduit en doigts supplémentaires et ne compromet pas le mouvement félin normal, les chats affectés par la forme de polydactylie hypoplasique radiale du doigt numéro 1 à trois phalanges ne sont pas aussi rares qu'on pouvait le soupçonner initialement. L'auteur possède une chatte polydactyle d'Albuquerque, qui a des doigts étirés et a produit des chatons à hypoplasie radiale dans des portées avec deux mâles différents. Sa mère était aussi polydactyle. On a trouvé d'autres chats polydactyles atteints d'hypoplasie radiale à New York, dans le Massachusetts, l'Indiana et la Californie et on voit parfois des chats à doigt numéro 1 à trois phalanges en classe "chats de maison" dans d'autres régions du pays, ce qui laisse à penser qu'il existe aussi d'autres populations à risque pour l'hypoplasie radiale.
Le fait que plus d'une forme de polydactylie semble être présente chez le chat doit servir d'avertissement aux éleveurs qui souhaitent travailler avec des chats polydactyles. On devrait apporter un soin particulier à la sélection des géniteurs et les chats à doigt numéro 1 à trois phalanges devraient être évités comme chats de fondation.
La seule race qui autorise la polydactylie en compétition, le Pixie-Bob, semble avoir été chanceuse à cet égard. Le gène polydactyle qui contribue tant à l'aspect unique de cette race semble être une caractéristique bénigne, sans effets au-delà des doigts supplémentaires. Cependant, les éleveurs de Pixie Bob qui souhaitent pratiquer de l'outcross pour augmenter leur patrimoine génétique devraient faire très attention d'éviter d'inclure des chats qui pourraient aussi produire de l'hypoplasie radiale chez les générations suivantes.
Note : Le fait que des individus étroitement apparentés, certains avec un nombre de doigts accru et d'autres avec moins de doigts, soit le résultat du même gène dominant, peut paraître surprenant. Mais ce phénomène n'est pas limité au chat. Des caractéristiques similaires ont été observées dans d'autres espèces également. En fait, plusieurs maladies associées au doigt numéro 1 à trois phalanges et à l'hypoplasie radiale ont été rapportées chez les humains.
NDT : Cette traduction ne se veut pas "littérale". Il nous a paru opportun de prendre certaines distances avec le texte original, tout en conservant l'esprit et les données scientifiques, afin de faciliter la compréhension de certains passages de cet article. C'est aussi dans cet esprit qu'on été ajoutés, entre parenthèses, les textes en italique.
Le mot d'Elisabeth
J'ai pour la première fois entendu parler des Maine Coons polydactyles en 1995, par la revue Maine Coon International. Un vieil atavisme me pousse à défendre les minorités et je me suis donc prononcée peu après dans un courrier des lecteurs pour la défense des polys et leur reconnaissance au même titre que les autres Coons.
Ma première (et pour l'instant seule) polydactyle ne m'est venue du Danemark qu'en décembre 2005. Son intelligence hors norme et son caractère m'enchantent au quotidien, et je compte bien avoir d'autres polydactyles, ne serait-ce qu'une de ses filles. Il semblerait que la vivacité d'esprit soit un trait courant chez les coons polys et plusieurs éleveurs de ma connaissance en ont repris un, uniquement pour avoir à nouveau le plaisir de sa compagnie.
Je ne comprends pas l'ostracisme dont font l'objet les Maine Coons polydactyles, qui ne sont porteurs d'aucun gène létal, contrairement à certaines races félines connues, qui posent bien des problèmes aux éleveurs. La polydactylie n'est pas une tare et est d'ailleurs incluse dans le standard du Pixie Bob pour les chats et du Beauceron pour les chiens, par exemple.
Le Maine Coon polydactyle. Traduction de l'article de Susan Grindell. Chatterie Mainelymagic Maine Coons
Résumé traduit de l'étude d'Edinburgh.
Observation sur la polydactylie. Résumé de l'article de Sheila Curtis.
Un court article sur les gènes contrôlant le développement des membres.
Polycats Association Française du Chat Polydactyle - Loi 1901 -.