Polydactylie
Par Sheila L Curtis, Chatterie Indys, & Lucinda King BA (Hons), Chatterie Handaros. 17 Janvier 2007 (reproduit avec autorisation).
La polydactylie se définit comme la présence de doigts plus nombreux que la normale. Elle existe chez plusieurs espèces d’animaux : les humains, les chats, les chiens, les cochons d’Inde et les gallinacés, avec des caractéristiques qui diffèrent un peu. Les chats polydactyles ont plus de 5 doigts aux pattes avant et plus de 4 aux pattes arrière.
C’est une particularité connue depuis longtemps : Darwin en parle déjà dans les années 1850 : J’ai entendu parler de plusieurs familles de chats à six doigts, dans l’une d’elles cette particularité est transmise depuis au moins trois générations
. Danforth écrit en 1947 : Le caractère polydactyle est vraisemblablement apparu comme une mutation spontanée, et un chaton polydactyle issu de deux parents à doigts normaux peut constituer la manifestation d’une nouvelle mutation.
Deux races peuvent prétendre à une référence historique à la polydactylie : le Pixie Bob et le Maine Coon. On a dit que cette caractéristique touchait autrefois 40% des représentants de la race, mais il n’existe aucune donnée qui corrobore ces chiffres. Des mentions de la polydactylie chez le Maine Coon remontent à 1876. Le MCPI, une organisation internationale, a été constituée pour promouvoir et protéger cette caractéristique chez le Maine Coon.
Les embryologistes reconnaissent deux sortes de polydactylie : du côté du pouce (préaxiale), avec des doigts supplémentaires bien formés, ou du côté de l’auriculaire (postaxiale), rare et avec des doigts supplémentaires alors malformés. Le gène polydactyle dont il est question ici est noté Pd. Il se transmet sur un mode autosomique dominant et modifie la construction de la main ou du pied en induisant la formation de doigts supplémentaires du côté du pouce. Le gène Pd cause la forme totalement inoffensive de polydactylie.
Voir à ce propos l’article du Dr Solveig Pflueger, Présidente du Comité Génétique de la TICA.
NB : La polydactylie accompagne parfois d’autres gènes et des syndromes invalidants (comme le gène Sp, cause de syndactylie). D’autres formes de polydactylie sont causées par des facteurs environnementaux ou des désordres génétiques rares. Mais ceci est un autre sujet que celui du gène Pd.
Etude clinique
Les études sur la polydactylie féline sont rares et anciennes, réalisées sur des chats sans pedigree. Elles ont amené à conclure qu’aucune autre anormalité n’a été notée dans les combinaisons d’accouplements, dans aucune de ces études scientifiques, malgré le degré de consanguinité concerné
.
Le Dr Lyons, à UC Davies, conduit actuellement une étude sur des échantillons d’ADN de Maine Coons polydactyles, afin d’aider à identifier la présence du gène Pd. Elle apportera sans doute de nouveaux éléments de compréhension de cette particularité.
Hérédité.
Chez la souris, la polydactylie est causée par une mutation du gène Gli3 et on pense qu’il est associé à la polydactylie préaxiale. On n’a pas encore découvert si c’est également vrai pour le chat.
Des gènes homéotiques
Les gènes homéotiques sont les gènes " architectes "qui édifient l'organisme.Ils s'expriment à un moment donné, en un endroit donné de l'embryon pour construire les organes.
Le gène Gli3 code pour un facteur de transcription (protéine) qui est impliqué dans l'expression en cascade de plusieurs gènes qui construisent le membre, dont le gène Shh (ou Sonic Hedgehog). La mutation de Gli3 donne un facteur tronqué qui réprime l'expression du gène Shh.
Chez les humains, la polydactylie récessive est possible, cependant cette possibilité semble exclue chez le chat et les recherches tendent à valider que la forme de polydactylie du chat est un simple gène dominant à pénétrance incomplète et à expressivité variable.
Dans sa première étude, Danforth a examiné l’hérédité de la polydactylie. En tout, il a élevé 234 chatons en 55 portées.
Danforth, taille moyenne de portée pour 3 types de mariages
28% des chatons avaient le phénotype 6, 6, 5, 5 (soit 6 doigts à la patte avant droite, 6 à la patte avant gauche, 5 aux pattes arrière gauche et droite). La relation avec la polydactylie des parents n'a pas été étudiée [NDT : transmission du nombre de doigts]. Toutes les expressions observées par Danforth sur les pattes de 97 chats, soit 25 différentes sont recensées dans le tableau suivant.
On ne sait pas par cette étude si le nombre de doigts des parents affecte ou non le nombre de doigts des descendants. Cependant, Danforth suggère qu’il y a peu de corrélation entre les degrés d’expression et la descendance
.Il conclut : Les preuves accumulées à ce jour indiquent que, chez le chat, la polydactylie est conditionnée par un seul gène dominant, dont l’effet principal probable est d’induire certains changements dans la partie pré-axiale du bourgeon du membre, causant un excès de développement dans cette région. Des doigts supplémentaires plus grands se développent à partir de ces tissus en excès. Le caractère n’est pas en relation avec le sexe et on n’a trouvé aucune preuve que ce gène soit létal quand il est à l’état homozygote
.
Cependant, Danforth a trouvé que même si on fait des mariages poly x poly, seulement 76,23% de la descendance expriment ce caractère. Si on marie des polys et des non polys, presque un tiers de la descendance est polydactyle. Quand les chats utilisés étaient homozygotes pour ce caractère (Pd/Pd), et même accouplés à des non-poly (pd/pd), 100% de la descendance était polydactyle. Le pourcentage de descendance polydactyle des hétérozygotes (Pd/pd) varie.
Morphologie
La seconde étude de Danforth concerne la morphologie du chat polydactyle. Elle examine les changements embryologiques qui se produisent in utero. Les données collectées sur 150 chats montrent dans tous les cas étudiés la forme préaxiale. La polydactylie pouvait être détectée à partir du 20ème jour de vie intra-utérine par un excès de tissus aux bords céphaliques des bourgeons du membre antérieur
[NDT : Le bourgeon du membre est la masse de cellules qui construira le membre].
Lors du développement intra-utérin, les tissus en excès se transforment en doigt(s) supplémentaire(s). Leur construction inclut les mêmes veines, muscles, os etc. que celle des autres doigts, avec cependant certaines déformations possibles conduisant à un aplatissement du poignet et une rotation vers l’extérieur. Ces modifications permettraient une pleine fonctionnalité de la patte [NDT : Meilleur appui de la patte au sol, notamment des doigts supplémentaires].
Chapman et Zeiner ont aussi étudié 31 chats polydactyles. La forme de polydactylie observée diffère un peu de celle de Danforth (présence du sésamoïde radial, un carpe, souvent constaté comme absent par Danforth qui forme le faux pouce opposable du Panda]. Cependant, en accord avec les observations de Danforth, ils ont observé que le phénotype du père ne se reproduisait pas à l’identique. Ceci appuie la théorie que la polydactylie est un gène à dominance incomplète et expressivité variable. Il ressort essentiellement de ces études que chaque doigt supplémentaire est correctement formé et que la formation anatomique est complète, la capacité fonctionnelle et les réactions sensorielles normales, montrant ainsi une innervation normale des doigts supplémentaires.
Expressivité
Les données du tableau 1 montre la diversité des patrons en terme de nombre de doigts. Mais ce sont des observations radiographiques des pattes avant et arrière qui valident la variabilité d’expressivité du gène Pd. Les doigts supplémentaires peuvent prendre la forme de doigts ou d’ergots vides supplémentaires. Mais on peut avoir une configuration différente pour chacune des quatre pattes.
Chapman et Zeiner ont effectué des croisements en utilisant un mâle polydactyle, deux femelles de différents types polydactyles et une femelle normale… Le schéma de base du mâle a persisté chez toute la descendance polydactyle, mais des variables additionnelles s’y sont ajoutées... Il faut une explication génétique plus complexe pour prendre en compte les différentes variantes de la polydactylie.
1. Pattes antérieures.
Cette image montre les radiographies fournies par Danforth dans son étude. Le type A n’est pas polydactyle, les 3 autres le sont. Ces radiographies illustrent l’expressivité variable, notamment B et C qui proviennent du même animal.
L’exemple C est la forme la plus fréquemment trouvée chez les Maine Coons et les Pixie Bobs polydactyles, souvent nommée « patte en moufle ». Chaque doigt supplémentaire a aussi son propre coussin terminal (bout du doigt), et en général des coussinets plantaires et palmaires (de paume) supplémentaires.
Il semble qu’il y ait deux types d’apparence chez les chats polydactyles. L’une est connue sous le nom de patte en moufle et l’autre sous celui de patte en « hamburger ». Danforth & Chapman ont observé des exemples des deux dans leurs études. Le Pixie Bob et le Maine Coon présentent en général la patte en moufle.
2. Pattes postérieures
C. H. Danforth déclare : L’état n’a jamais été observé aux pattes postérieures, sauf s’il était aussi présent aux pattes antérieures
. Un polydactyle aux pattes postérieures « doit » donc avoir des doigts supplémentaires quelque part aux pattes avant, même presqu’invisible, ce que montre la radiographie. Selon Chapman, il peut exister de petites projections tégumentaires que l’on peut facilement ne pas voir. Cela peut expliquer des cas d’observations d’éleveurs où le caractère polydactyle n’apparaît qu’aux pattes arrières.Dans le cas d’une patte postérieure à 6 doigts, elle apparaît généralement plus symétrique que dans celui d’une patte antérieure à 6 ou 7 doigts. Au cours de son étude, il n’a pas non plus rencontré de cas où il y avait plus de 6 doigts à la patte arrière.
Ces radiographies des pattes postérieures illustrent, de gauche à droite, une patte arrière non poly, une patte présentant un petit ergot (voir à droite des métatarses), une patte arrière avec un doigt supplémentaire et une patte avec deux doigts supplémentaires.
Les images ci-dessous permettent la comparaison et l’illustration du squelette de la patte non polydactyle et de la patte polydactyle. Cette structure n’a été observée que chez le chat.
Déformations radiales
Agénésie radiale
La radiographie montre un seul os dans le segment intermédiaire (avant-bras) au lieu des 2 normalement présents (radius et cubitus).Cette malformation n'est vraisemblablement pas liée au gène Pd.
Agénésie radiale préaxiale intercalaire complète
(© radiographie Towle & Bruer.)
Dans les années 90, un éleveur des Etats-Unis élevait des chats dont les pattes étaient tordues au point de les rendre handicapés pour obtenir un chat qui « serait moins susceptible de s’en aller et devenir sauvage ». Ces chats ont été communément nommés « twisty cats » (chats tordus, ndt). Il s’agit d’une forme sévère d’agénésie radiale, anomalie du développement caractérisée par l’absence de tout ou partie de la moitié distale du membre. Cet état est également référencé comme hypoplasie (sous-développement) ou aplasie (absence) du radius et classé dans les disostoses radiales.
La cause de ces états est différente du gène polydactyle. L’agénésie radiale chez les Siamois et les chats domestiques à poil court est peut être une caractéristique héréditaire, mais on n’en a aucun indice chez les chiens.
(Towle & Breur, 2004). Cependant Jezyck soutient que sans aucune indication pour étayer l’affirmation, la nature héréditaire de ces anomalies est douteuse.
Solveig Pflueger (Docteur en médecine, responsable du service de génétique médicale au Baystate Medical Centre à Springfield, Massachusetts et présidente du comité de génétique de la TICA) considère une forme de polydactylie qui se manifeste par un pouce à trois phalanges (ou simplement un pouce à trois os) comme responsable des Twisty cats. Elle recommande donc que ces chats soient écartés de la reproduction. Le fait que ces chats aient produit des dysostoses radiales est peut être une simple coïncidence plutôt qu’un lien génétique, notamment parce que ces défauts sont présents chez le chat non-polydactyle.
L’incidence des dysostoses radiales est rare (Winterbrotham et al. -1985-, Towle & Bruer -2004-). Si déformations radiales et polydactylie étaient liées, on devrait constater une incidence plus forte du phénomène. Cependant, S. Pflueger et au moins un autre ayant constaté des déformations radiales chez les chats à doigt numéro 1 à trois phalanges qu’ils ont élevés, on peut soutenir qu’il existe un lien héréditaire, comme le suggèrent Towle & Breur.
Rien dans la recherche scientifique ne permet à ce jour de confirmer le lien entre le gène Pd et cette dysostose [NDT : Un autre gène ou un autre facteur pourrait être impliqué].
Elevage et expériences d’éleveurs
Danforth & Chapman ont tous deux effectué des croisements poly x poly pour leur étude et n’ont fait état d’aucun problème, même en mariant des chats apparentés. Il a été suggéré que l’on ne devrait pas faire de croisements poly x poly, sans preuve scientifique pour étayer ceci.
Il était pertinent d’effectuer des mariages poly x non poly afin de dépister le gène responsable et la lignée le transmettant. [NDT : Cette recommandation est aujourd’hui revue/ mettre à jour]
Cependant, il est vital que les éleveurs n’introduisent involontairement aucune déformation radiale en amenant de nouveaux courants de sang dans le pool génétique. Les éleveurs de fondation doivent être prudents pour la sélection des chats, en particulier ceux à doigt numéro un à trois phalanges. Il serait pertinent de radiographier les chats polydactyles dont l’histoire n’est pas connue. Il serait aussi sage de radiographier tous les chatons non poly issus d’une portée de poly qui doivent être vendus comme reproducteurs.
Nous avons rencontré un éleveur qui avait acheté un Maine Coon non poly issu d’un mâle poly et d’une femelle non poly. Ce chat a engendré plusieurs chatons polydactyles, bien que l’éleveur ne puisse voir aucun indice d’un doigt supplémentaire. Il semble possible que ce chat ait eu un petit ‘’nœud’’ qui n’ait été remarqué ni par l’éleveur ni par le propriétaire. Il est donc raisonnable, lorsque l’on achète un chaton issu d’un mariage poly de faire attention aux pattes si on souhaite un non poly et il peut être prudent de les faire radiographier.
A ce jour, la seule race polydactyle acceptée en exposition est le Pixie Bob (TICA/acronym -1990-). Le Comité de Génétique de la TICA a estimé le gène inoffensif, la Présidente du Comité, Solveig Pflueger ayant elle-même élevé des polydactyles.
Pour faire reconnaître une nouvelle race ou une nouvelle caractéristique par la TICA, il faut soumettre un rapport complet au Comité de Génétique. Ces rapports sont examinés sérieusement et discutés.
S’il y avait eu des indices montrant que ce gène est nocif, il n’aurait pas passé les tests rigoureux exigés pour la reconnaissance de la race. Le Comité de Génétique a autorisé les polydactyles dans le standard du Pixie Bob, qui dit : ‘’Pieds : longs et larges, presque ronds avec de grosses articulations et des doigts charnus. La polydactylie est autorisée, sept doigts au maximum. La patte et le poignet doivent être droits vus de face. Tous les doigts doivent reposer sur le sol et dirigés vers l’avant. Le pied doit paraître sain.’’
Comme dit précédemment, il semble qu’il y ait plus d’un type de pied. L’un, qui ressemble à la main humaine est appelé la patte en moufle ou raquette. L’autre est plutôt une combinaison d’orteils et a souvent un ergot absent. Les deux types sont élevés sans problème connus.
Dès 1970, le MCBFA envisageait la possibilité de demander aux organismes qui gèrent les livres d’origines d’ajouter la lettre P au numéro de pedigree pour tous les chats polydactyles. PawPeds recherche les chats polydactyles depuis quelque temps maintenant et note un géniteur polydactyle par le symbole (P) dans la base de données.Actuellement, on n’a pas tous les moyens de tracer la polydactylie en regardant un pedigree [NDT : faute de déclaration systématique des chatons qui le sont par certains éleveurs…]. Cela serait un bienfait pour les éleveurs.
Conclusions
Il semble que le lien entre la polydactylie et les dysostoses radiales soit apparu suite à la publicité faite autour de l’élevage des « twisty cats ». Aucune donnée scientifique ne corrobore un lien direct et il semble que cela soit pure coïncidence que les chats utilisés dans ce cas aient été polydactyles. Dans leur article Les dysostoses du squelette appendiculaire
-2004- Towle et Breur remarquent que les dysostoses telles que la polydactylie ont uniquement des conséquences esthétiques qui peuvent nuire à la compétitivité en exposition
. Ils continuent en examinant le dilemme éthique auquel doit faire face un vétérinaire si un client lui demande l’ablation du (des) doigt(s) surnuméraire(s) afin que le chat puisse concourir en exposition sans risquer la disqualification. Ce type de chirurgie est considéré comme chirurgie esthétique par l’American Véterinary Medical Association et contraire à l’éthique de l’élevage.
On peut conclure de l’étude scientifique que le gène Pd, cause de la polydactylie, est un caractère dominant à expression variable inoffensif. La descendance peut ne pas présenter la même configuration de pattes ou de doigt(s) que son(ses) parent(s) polydactyle(s). En règle générale, La polydactylie n’a aucune importance clinique
(Towle & Breur).
Le Maine Coon polydactyle. Traduction de l'article de Susan Grindell. Chatterie Mainelymagic Maine Coons
Résumé traduit de l'étude d'Edinburgh.
La polydactylie. Traduction de l'article de Solveig Pflueger.
Un court article sur les gènes contrôlant le développement des membres.
Polycats Association Française du Chat Polydactyle - Loi 1901 -.