Le mot d'Agnès
Si la création d'un élevage doit avant tout être guidée par un choix raisonné de lignées que l'on souhaite travailler, il n'en reste pas moins que chaque chat est un coup de cœur, un être à part, avec lequel on noue des liens particuliers, uniques. Voici donc l'histoire de ces rencontres.
Ma première chatte Maine Coon est née en Allemagne. Une écaille de tortue silver, un regard hypnotisant sur photo (déjà !), un père qui avait pour moi un attrait un peu mythique (il est polydactyle). Malibu résume à elle-seule les rapports privilégiés qu'on peut entretenir avec un Maine Coon. Dans sa chatterie de naissance, rien ne la distinguait particulièrement de la troupe de chats, grands et petits, qui avaient envahi le salon. Mais le soir même, lorsqu'il lui a fallu passer sa première nuit hors de son lieu de naissance, Malibu a révélé toute sa personnalité... Cette petite chatte de 4 mois, forcément un peu troublée par son nouvel environnement, n'a pas supporté que j'éteigne la lumière... Toute tentative en ce sens se soldait par des miaulements déchirants, qui me faisaient mal au coeur, tant je la sentais perdue. J'ai donc passé cette nuit la lumière allumée, afin que Malibu me dévisage avec une attention tellement aiguë que s'en était presque dérangeant... Sa façon de planter son regard dans le mien, son besoin de caresser doucement mon visage avec sa patte, comme si pour elle, sans ce contact tactile, il lui était impossible de deviner qui j'étais. Malibu reste une exception dans ma vie de grande amoureuse de chats, je n'avais encore jamais rencontré de chat ayant un tel besoin de toucher pour identifier ! Maintenant encore, Malibu touche, tripote, tapote tout ce qui est nouveau pour elle. Chaque retour de chez le coiffeur est un prétexte pour me passer la patte dans les cheveux, pour vérifier que c'est bien moi. Malibu mange aussi avec ses pattes : pas question pour elle de plonger son museau dans une gamelle, elle attrape délicatement les croquettes dans sa patte en s'en servant de cuillère, avant de les porter à sa gueule. Quitte à secouer vigoureusement ladite patte si une croquette y est restée collée. Malibu roucoule pour attirer mon attention, et n'hésite pas à s'étirer le long de ma jambe si l'attention tarde à se manifester ! Malibu n'a jamais eu de chatons et n'en aura jamais, mais elle a trouvé compensation en s'occupant des bébés des autres chattes de la maison. Malibu est toujours la première à réclamer son droit de visite à la portée nouvellement née : elle campe derrière la porte de la nursery, en attendant que je l'autorise à aller sentir les derniers-nés de la chatterie. Reconnaissance importante, ces bébés feront partie du quotidien pendant 4 mois, il lui faut donc les identifier au plus tôt. Quand ils sont plus âgés, nounou de choc, elle joue, enseigne la politesse féline, fait les toilettes des chatons. Et inspecte minutieusement le kennel des familles adoptantes lors de leur départ. D'une intelligence étonnante, elle connait et anticipe les différentes activités de la maison, et, toujours douée d'un sens de l'observation particulièrement aiguisé, est toujours prête à participer. Une sorte de présence extra-ordinaire, on deviendrait presque mystique à fréquenter les chats...
La deuxième chatte Maine Coon a suivi Malibu peu de temps après. Venue d'Allemagne elle aussi, c'est l'antithèse complète de Malibu. Sweet est toujours pressée, Sweet court, Sweet saute, Sweet demande un câlin mais ne le supporte pas plus de 10 secondes, Sweet est une hyper active. Ecaille de tortue elle aussi, elle en a le caractère bien trempé et régente tout le petit monde félin de la maison. Sweet remet à sa place tout manquement à la politesse féline et au respect qu'elle estime être en droit d'exiger. Tout ce petit monde s'écarte d'ailleurs vivement de son chemin, car tout le monde a compris : la chef ici, c'est elle. Est-il besoin de préciser que c'est le plus petit gabarit de la maison? Parallèlement à ce comportement de despote, Sweet est une mère exceptionnelle. D'un dévouement sans égal, elle allaite les chatons jusqu'à leur départ (4 mois), ce qui donne lieu à des photos où les chatons, déjà bien grands, semblent la vampiriser. Mais elle les appelle quotidiennement pour la tétée, et va même jusqu'à leur amener dans sa gueule (en traversant pas moins de 3 étages) des boulettes de pâtée, en grommelant (bouche remplie oblige) pour les appeler au festin. Avec Sweet, j'ai renoncé assez rapidement à appliquer les principes d'élevage en vigueur dans les autres chatteries : ailleurs, l'éleveur décide où les chattes vont mettre bas, quand sevrer les chatons, quand les mettre en présence des chats adultes de la chatterie... bref, l'éleveur fait son boulot d'éleveur. Chez Sweet (est-ce encore chez moi?), Elle décide quand ses chatons doivent quitter la nursery. Bien mal m'en a pris de la contrarier la première fois: elle a rongé la séparation grillagée qui était censée lui donner une certaine tranquillité avec ses chatons, et a fait passer toute sa portée par le trou aménagé à cet effet... à 4h00 du matin... Ensuite, elle est allée présenter ses bébés aux autres chats, la queue bien dressée en l'air, très fière de sa progéniture. Depuis, je me suis faite une raison: après tout, la mère, c'est elle, elle est donc plus qualifiée que moi pour savoir quand c'est le moment. Ses chatons sont toujours un émerveillement pour moi: les couleurs sont souvent inattendues, les caractères sont extraordinaires, c'est un vrai régal!
Alias est le fils de Sweet. Alias, c'est l'As de Coeur de la maison. Je n'avais aucune "raison" de le garder, mais je n'ai pas pu me résoudre à le voir partir. Alias est roux, d'un roux profond, avec une crinière de lion. Gâté pourri, c'est le chat le plus mal élevé de la terre! Surnommé Garfield dans ses "meilleurs" moments, il ne manque pas une occasion de montrer qu'il est chez lui, et qu'il a tous les droits. Passé maître dans l'art du camouflage, il parvient à s'aplatir jusqu'à (vouloir) paraître invisible et s'approcher suffisamment prés d'une assiette qui lui paraît contenir des mets appétissants. S'ensuit alors une avancée prudente d'une patte rousse, qui paraît bizarrement ne pas appartenir à l'espèce de carpette rousse figée un peu plus loin... Si une voix s'élève pour lui signifier son méfait, Alias nous regarde d'un air surpris: Comment? cette patte? elle serait à moi, tu crois?. Alias est gourmand, très gourmand. Il aime les yaourts, la purée de potiron, les épinards (si, si...), le pain, la confiture... et lécher les goutelettes d'eau condensées sur une bouteille fraîche. Alias est curieux, très curieux. Aucun visiteur ne pourra faire l'économie d'un examen complet. Si un sac à main reste imprudemment ouvert, on assiste généralement à une expulsion manu militari de la plupart des objets formant son contenu, avant qu'il ne tente (plus ou moins facilement suivant la taille du sac), de se coucher dedans. Alias est inconsolable si je m'absente quelques jours. De retour de mon escapade, j'ai droit à des reproches vibrants, des protestations interrogatives, des câlins à prodiguer immédiatement, et plusieurs jours de présence rapprochée, au cas où me viendrait l'idée saugrenue de recommencer. On n'est pas impunément le "chouchou" de la maison...
D'autres chats sont venus compléter la troupe, tous avec leur caractère, leurs habitudes, leur façon de s'exprimer quand ça va (ou quand ça ne leur convient pas!). Chacun est une pièce du puzzle de la chatterie, chacun est le résultat d'une rencontre nouvelle et toujours différente. C'est aussi ça, la magie du Maine Coon: que vous en ayez un ou plusieurs, ils sont tous aussi fascinants! Une chose est sûre, même lorsque je n'élèverai plus, il y aura toujours un (des?) Maine Coon(s) à la maison!
Le mot d'Odile
Dix ans passés depuis ma première Coon, huit ans depuis ma première portée et donc une petite décennie de plongée dans l'élevage félin, coonesque.
Les bilans? S'il faut en tirer et parce qu'il faut en tirer: De grands bonheurs et de terribles chagrins.
- Les bonheurs, ce sont les bb beaux ou moins beaux, toujours adorables. Et certaines rencontres avec des adoptants et quelques éleveurs.
- Les chagrins, ce sont les minous qui sont maintenant à côté des étoiles.
Je n'ai aucun regret d'être entrée dans cette vie partagée avec les Coons. Ils sont bien les doux géants chers à mon cœur. Je n'ai guère eu de désillusions avec ceux qui sont venus me rencontrer pour adopter un bb. Nous nous sommes testés et nous sommes restés... J'ai eu bien des désillusions sur le monde de l'élevage. Il n'est pas besoin de gratter beaucoup pour y trouver l'inculture et la prétention, une somme qui conduit à une certaine malhonnêteté. J'espère avoir appris, parce que j'ai accepté de l'apprendre, que dure est la nécessaire union de l'amour et de la raison. Durs sont certains choix. Mais l'humain ne doit pas oublier que rien ne se réduit à la beauté des uns pour la gloire des autres.
Les félins doivent rester ce qu'ils peuvent être: des compagnons dignes de respect dans leur existence et leur devenir comme dans les rôles qu'on leur impose. Mon bonheur est donc celui de certaines rencontres: les Coons pour leur subtil équilibre de beauté et de gentillesse et avancer encore sur ce chemin où quelques uns m'accompagnent; certains humains pour les valeurs partagées avec moi. Mes chagrins resteront. Certaines déceptions aussi, sans doute. Mais l'humanité est sur deux pattes. C'est fait pour avancer. Et nos deux mains sont libres pour caresser les minous.